Langue : Français Éditeur : Allia (26 septembre 2003)
Collection : Musique
Format : Broché - 512 pages
ISBN : 2844851304
Dimensions (en cm) : 17 x 3 x 22
Sweet Soul Music, Rythm and Blues et Rêve Sudiste de Liberté est un livre du journaliste et écrivain Peter Guralnick retraçant l'histoire de la Soul "suddiste". Il se lit comme un roman, très réaliste, vous verrez grandir les Sam Cooke, Ray Charles, Solomon Burke, Booker T., Carla et Rufus Thomas, Otis Redding, Percy Sledge, James Brown... tous ces artistes qui mettent de l'âme dans leur son. Vous vivrez aux rythme des labels, des maisons de disques, vous passerez un moment dans les couloirs de la Stax, de Fame, d'Atlantic, vous y croiserez les Isaac Hayes, David Porter, Jim Stewart (le St de Stax), Dan Penn, Chips Moman, Elvis parfois, Jerry Wexler toujours. Les mots manquent forcément pour parler de ce bouquin, qui pourrait autant se raconter, que se chanter, que se jouer, ou être vu au travers de l'Histoire avec un grand H.
Sur le résumé on peut lire une citation de Elvis Costello :
"Achetez ce livre ! Vous ferez une véritable affaire ! Vous n'imaginez pas le nombre de merveilleux disques que vous vous sentirez obligés d'acheter après avoir lu Sweet Soul Music !". Je confirme sans même avoir terminé le bouqin - il me reste quelques dixaines de pages. Ce livre est à mettre entre toutes les mains des passionés de Soul en particulier, de musique en générale, d'amoureux de la vie.
Voici un passage que j'ai retranscris pour vous, il se trouve dans le chapitre sur Solomon Burke que beaucoup considère comme "le meilleur chanteur de Soul contemporain". C'est aussi un très bon conteur comme en témoigne toutes les histoires qu'il nous raconte en générale, et celle-ci en particulier :
Quoi qu'il en soit , le temps qu'il passait en studio était sans doute la part de sa vie qui tenait le plus du hasard. Les enregistrements étaient la cerise sur le gâteau, mais aussi l'outil promotionnel qui soutenait financièrement ses tournées. C'était sur la route que l'on se faisait le plus d'argent, et c'était là que l'on rencontrait le public sans qui aucune carrière n'était possible. Parfois le public vous surprenait, et parfois vous surpreniez le public. Lors de ses premières apparitions après le succès de "Just Out of Reach", raconte Solomon, beaucoup de gens se méprirent sur l'identité raciale du chanteur; en ce temps là, avant l'exposition médiatique massive apportée par la télévision - et tout particulièrement pour un chanteur de R&B ou de country - les gens affluaient pour voir la personne qui a sorti un hit, sans vraiment savoir qui ce pouvait être. Solomon a des tas d'anecdotes sur cette époque innocente où il était "sur le point de devenir le chanteur le plus populaire du Sud", mais la plus drôle est peut-être celle qui raconte un concert, un vendredi soir au fin fond du Mississippi :
"Ça se passait dans une petite ville du Mississippi, quelque part entre Tulepo et Philadelphie, et on avait tout ce dont on aurait pu avoir besoin. Ils avaient ces gros camions sur lesquels étaient accrochés les haut-parleurs, et tout les Noirs nous apportaient du poulet frit et des entrecôtes. Oh, mon Dieu, ils avaient du maïs frit, ils cuisinaient des gâteaux et des tartes, ils avaient du pain chaud, un barbecue - ils étaient en train de faire rôtir un cochon entier, et ils y en avait une dixaine d'autres qui attendaient leur tour à côté des morceaux de bœuf, on auraient dit qu'ils allaiient nourrir prêt de 20 000 personnes. Oh, mon Dieu, tu peux même pas imaginer - on aurait dit que c'était le plus grand festival de l'année !
"Les gars de mon groupe sont venu me voir pour me dire : 'Mon vieux, c'est le meilleur engagement qu'on ait jamais eu !' Et j'ai dit : 'Vous croyez ? C'était pas une bonne idée d'arriver tôt ? Ces types ont préparé des tentes pour nous, ils ont dressé des lits de camps, installé des toilettes portatives, que peut-on demander de plus ?' Eh bien, vers 7 heures quelqu'un est venu nous demander si on avait assez manger. Ensuite ils ont appelé des filles pour nous divertir. Un peu plus tard, un type est arrivé et s'est adressé à nous (Solomon prend la voix nasale d'un petit blanc du Sud) : Je suis le shérif Stanleyhoop, mon nom est sur le contrat, et je veux que vous sachiez que je me vois contraint de vous donner 7 500 dollars. Voilà votre argent.' J'ai dit : 'Super ! C'est vraiment un engagement du tonnerre ! 7 500 dollars pour le premier concert, et un second concert, la même nuit, pour la même somme. En d'autres termes, ces Noirs me payent 15 000 dollars pour jouer un vendredi soir - et dans le Mississippi ! C'est énorme !'
"Il nous a donné l'argent, et puis il a dit : 'A présent je veux que vous, les gars, soyez sur scène à huit heures et quart précises. La nuit va commencer à tomber, ils allument les lumières, et je veux que vous n'ayez à vous préoccuper de rien. Ce soir quand vous serez prêt à partir, nous allons vous escortez pendant tout le trajet jusqu'à l'autoroute. Vous allez à Jackson, pas vrai ? - Exact ! - Eh bien, ne vous préoccupez de rien. Vous êtes sous la protection de la Police. En fait, je vais nommer shérif adjoint à titre honoraire pour cette nuit. Ça vous va ? - Yes, sir ! Un peu que ça me va ! Sir, yes sir !'
"Huit heures dix. Le batteur est dehors, il teste encore et toujours son instrument. Il fait carrément sombre dehors, tu saisis ? Huit heures quinze. Le groupe commence à jouer. Je me détends, je profite - cuisses et ailes de poulet, sauce faite maison, j'en passe et des meilleurs. Je me dis : 'Seigneur, c'est ridicule...' Un bon vieux gros pichet de limonade - appuyez sur le bouton et vous êtes servis ! C'était formidable.
"Neuf heures et quart. C'est le moment pour moi. Je monte sur scène et je vois - j'étais en train de chanter et j'essayais de me rendre compte de ce qui se passait - je vois des lumières à perte de vue, qui approchent, comme des gens qui portaient des chalumeaux allumés. Elles approchaient tout doucement, elles se dirigeaient vers la scène. Et j'ai commencé à chanter, 'Je suis si heureux d'être ici ce soir, je suis si heu-heu-heu-reux...' Elles se rapprochaient de plus en plus. Mec c'était 30 000 types du Ku Klux Klan enveloppés dans leurs draps - c'était leur rassemblement annuel. Ils ont continué d'arriver pendant toute la durée du concert. Avec leurs draps sur la tête. Des petits garçons avec des petits draps, des hommes, des femmes, tout le monde affluait sous les lumières, tout le monde dansait et prenait du bon temps. Je te le dit on a tenu les 45 minutes du concert comme ça. Paralysés. Mec mon groupe avait tellement peur que quand je leur ai dis de remballer, le batteur à emporté sa batterie sans la démonter, tout d'une pièce ; le guitariste à emporté son ampli Fender à toute vitesse. Un problème ? Quel problème ? On a été escortés tout droit jusqu'à l'autoroute, et on est partis jouer notre second concert."
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En espérant te croiser dans le métro avec cette couverture violette flashy entre les mains, on parlera musique et on montera notre label, on remettra du grain dans la musique avec notre studio d'enregistrement isolé par des boites d'œufs.